Une épopée militaire : le parcours d’Antoine Boujol

Un document daté du 9 août 1810, à l’entête du 56è régiment d’infanterie de ligne, intitulé « Mémoire de proposition à la solde de retraite d’infanterie » du sieur Boujol Antoine est établi à Alexandrie, chef-lieu du département de Marengo (aujourd’hui en Piémont italien), et nous indique qu’il est entré « dans ce corps » le 15 avril 1784 et qu’il y est musicien.

Il a, comme indiqué dans ce document, réalisé une carrière de « 26 ans 3 mois 24 jours ». Grâce à ce document et à celui de liquidation de sa retraite, nous apprenons beaucoup de choses sur le déroulement de cette carrière. Il faut préciser qu’elle s’est déroulée dans la même unité, les différentes appellations que nous rencontrerons sont dues à des réorganisations de l’armée consécutives aux changements politiques de la période qui commence sous le règne de Louis XVI et se termine sous le Premier Empire en passant par la Révolution. Nous allons essayer de reconstituer aussi précisément que possible cette tranche de la vie d’Antoine, de 22 à 48 ans.

Il est né le 30 juin 1762 à Saint-Pons de Thomières dans le département actuel de l’Hérault comme l’indique son acte de naissance, ou plus exactement l’acte de baptême comme il était de règle à l’époque. La date du 29 juin 1763 figurant sur les documents militaires est erronée. A-t-il « triché », volontairement ou non, lors de son enrôlement ou bien l’administration a-t-elle commis une erreur ? Il a donc un peu moins de 22 ans à son engagement.

Commençons notre périple en suivant son unité et par là même Antoine.

Mais d’abord, faisons un petit retour en arrière. Le régiment créé en 1625 est d’abord un régiment de gentilshommes. C’est en 1657 qu’il prend le nom de Touraine qu’il gardera jusqu’en 1794 (à l’exception de quelques périodes avant 1673 où il s’appellera Amboise puis Kercado, noms de ses colonels).

De 1780 à 1783 Touraine participe à la campagne des « Caraïbes » et participe même à la prise de Yorktown sur le continent américain en 1781. En 1783, il rentre en France à Avesnes (actuellement dans le département du Nord). C’est donc là très probablement qu’il s’engage le 15 avril 1784. Nous n’avons pas d’élément indiquant qu’Antoine a bien commencé sa carrière militaire dans ce régiment, mais la liquidation de sa retraite ne fait pas état de service antérieur. Comment depuis Saint-Pons en Languedoc se retrouve-t-il en Flandre au moment de son engagement ? Nous ne savons pas non plus s’il a été musicien dès le départ.

En 1787, le régiment se déplace en Normandie et en Bretagne : Bayeux, Saint-Servan (aujourd’hui rattaché à Saint-Malo), Rennes. Puis il arrive en avril 1788 à Perpignan où il restera un peu plus de deux ans.

C’est à Perpignan qu’Antoine fait la connaissance de Jeanne, la fille d’Antoine Ris, vétéran (ancien militaire). La jeune fille âgée de 19 ans lors du mariage vit avec son père (sa mère, Magdeleine Blanc, est morte). Ils habitent depuis six ans dans la paroisse de La Real, quartier proche des casernes. Le père Ris, sans doute nostalgique de son passé militaire, fréquente-t-il ces lieux où il peut rencontrer des jeunes qui ont choisi la même voie ? Rencontres qui permettent à Antoine et à Jeanne de faire connaissance puis de décider de faire leur vie ensemble.

Ils se marient donc le 18 août 1789 dans l’église de La Real, un mois après la prise de la Bastille qui marque le début de la Révolution. Cet évènement est-t-il connu à Perpignan à cette date ? En tout cas, les idées nouvelles se propageront rapidement dans les régiments, occasionnant même des troubles comme nous le verrons plus loin. L’acte de mariage indique qu’il est musicien à l’état major du régiment de Touraine. 

Un peu de patience. La suite bientôt.